H&M et la fast fashion : achACT réagit

31 Oct 2019 | consommation | environnement
H&M et la fast fashion : achACT réagit

« Si les consommateur·trice·s renoncent à la fast fashion en réponse aux enjeux climatiques, les conséquent sociales [seront] terribles.” Ces mots, relayés par l’agence Bloomberg, ont été prononcés par Karl-Johan Persson, le PDG du groupe H&M. Pour achACT, cette vision est inacceptable, absurde voire trompeuse.

Dans sa vision, Persson considère qu’une baisse de la consommation et donc de la production de la fast fashion augmenterait la pauvreté puisque cela freinerait l’emploi et la croissance économique. Ce discours nie les impacts sociaux et environnement évidents de l’industrie de la fast fashion. Opposer les enjeux environnementaux aux enjeux sociaux est dangereux.

La fast fashion entraîne et intensifie la pauvreté

L’industrie mondiale de l’habillement se base sur l’exploitation du travail dans les pays à bas salaire. C’est la soif de profit des marques et des enseignes de mode qui crée la pauvreté, pas les préoccupations environnementales. Salaires de misère, insécurité, conditions de travail indignes et répression syndicale sont les fondements du business model dominant qui maximise le profit des entreprises de l’habillement.

Selon le magazine Forbes, la richesse de Persson est estimée 1,9 milliard de dollars. Par comparaison, au Bangladesh – où H&M est l’un des plus gros acheteurs de vêtements – le salaire moyen d’une travailleuse de l’habillement est d’environ 1 000 dollars par an (sources, Wageindicator.org).

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Dans son rapport de 2018 Reward work, not wealth Oxfam avait fait le calcul suivant : « Il faut en moyenne environ 4 jours de travail pour le PDG d’une des 5 plus grandes entreprises du secteur de l’habillement pour gagner ce qu’une travailleuse d’une usine de confection au Bangladesh gagnerait en une vie ».

achACT interpelle régulièrement le géant mondial de la fast fashion pour qu’un salaire vital[4] soit payé aux travailleur·euse·s de sa filière d’approvisionnement. En 2018, la campagne Turn around H&M rappelait justement à l’entreprise ses engagements non-tenus en matière de salaire vital. Une résolution d’actionnaire déposée devant l’Assemblée générale d’H&M par la Clean Clothes Campaign (réseau international d’achACT) proposait même l’abandon des dividendes de 2018 au profit d’un fonds spécial qui serait dédié à payer un salaire vital aux travailleur·euse·s des fournisseurs de l’enseigne. Cette proposition avait été rejetée.

La crise climatique touche les travailleur·euse·s de l’habillement

Opposer les luttes contre la crise climatique et celles contre l’exploitation du travail est inacceptable. Ces luttes sont interdépendantes. Ce sont souvent les mêmes personnes qui sont le plus violemment affectées par leurs impacts respectifs. Les effets du changement climatique sont l’une des raisons qui poussent des populations à se déplacer vers les zones urbaines où beaucoup de femmes se retrouvent exploitées dans l’industrie du vêtement pour assurer la survie de leurs familles. L’ONU souligne que ce sont les citadin·e·s pauvres du Sud, vivant près de terrains pollués ou dans des structures instables, qui sont les plus vulnérables aux effets de la crise climatique[7].

Les entreprises doivent radicalement changer leur business model pour payer davantage les travailleur·euse·s, réduire la production et la consommation et redistribuer la valeur. Ce n’est que lorsque les entreprises donneront la priorité aux personnes et à la planète avant le profit que l’élimination de la pauvreté sera possible.

À découvrir :  notre campagne mes basics#DroitsHumains

« Pour réduire les dommages causés à l’environnement, l’une des solutions consiste à produire moins et à consommer moins de matières premières naturelles et à pratiquer une économie circulaire. H&M doit payer un salaire vital à tou·te·s les travailleur·euse·s de l’habillement qui produisent pour H&M dans le monde entier, dès maintenant. » May Wong, Clean Clothes Campaign East Asia Coalition.

Dans le cadre de sa campagne mes basics #DroitsHumains, achACT a publié le rapport l’Écran de fumée de la mode relatif à l’échec des audits sociaux dans leur mission de faire respecter les droits humains dans les filières d’approvisionnement. Ce rapport déconstruit les stratégies des marques qui recourent à des initiatives unilatérales et volontaires de « Responsabilité sociale » bien plus pour protéger leur image que les droits des travailleur·euse·s. achACT y montre, études de cas à l’appui, le décalage entre les déclarations et engagements éthiques pris par les marques et les enseignes de mode et la réalité vécue par des millions de travailleur·euse·s dans les usines de confection des vêtements.

Jessica Blommaert, chargée de plaidoyer et d’expertise à achACT conclu : « On ne peut pas faire confiance aux marques pour s’autoréguler. Des réglementations contraignantes et le renforcement des travailleurs et des travailleuses sont les seuls mécanismes qui peuvent garantir que les marques et enseignes prennent leur responsabilité au sérieux, qu’une diligence raisonnable soit exercée et que la vie des travailleuses et l’environnement soient protégés ».