Nouveau salaire de misère proposé par le gouvernement du Bangladesh

09 Nov 2023
Nouveau salaire de misère proposé par le gouvernement du Bangladesh

à partir de la déclaration de notre réseau international publiée le 8 novembre 2023

Le gouvernement du Bangladesh propose un nouveau salaire de misère de 12 500 BDT (113 USD / 105 EUR) par mois, ignorant les appels désespérés des travailleur·euses

Le mardi 7 novembre, le Ministère du travail du Bangladesh a proposé un nouveau salaire minimum de 12 500 BDT (113 USD / 105 EUR) pour les 4,4 millions travailleur·euses de l’habillement du pays. Ce montant est bien inférieur à la revendication syndicale de 23 000 BDT, un salaire dont les études confirment qu’il s’agit du minimum requis pour placer les travailleur·euses au-dessus du seuil de pauvreté.

Ce nouveau salaire minimum condamne les travailleur·euses à lutter pour leur survie pendant les cinq prochaines années. Les travailleur·euses dépendent déjà des revenus gagnés en faisant des heures supplémentaires (en plus de leur semaine de travail normale de 48 heures), des prêts et des repas sautés pour économiser de l’argent. Les salaires de misère sont également la principale raison pour laquelle les parents se voient parfois contraints de demander à leurs enfants de travailler.

Le processus pour arriver à ce montant est très peu transparent et partial. Il a été finalisé après des semaines d’agitation au Bangladesh. Les travailleur·euses du pays ont commencé à protester après que l’association d’employeurs BGMEA ait fait la proposition dérisoire d’augmenter le salaire de 10 400 BDT le mois dernier. Au moins trois travailleurs ont été tués au cours des manifestations, et des dizaines d’autres ont été blessés par la police, qui a fait usage de gaz lacrymogènes, de balles en caoutchouc et de balles réelles. Des plaintes ont été déposées contre les travailleur·euses protestataires, ce qui fait craindre des arrestations en représailles. L’annonce de cette nouvelle proposition de montant pourrait déclencher de nouveaux troubles dans la capitale bangladaise.

Les propriétaires d’usines au Bangladesh affirment qu’ils ne peuvent pas se permettre de fixer le salaire minimum à plus de 12 500 BDT, et certains prétendent que ce salaire pourrait même mettre certains sous-traitants sur la paille. Toutefois, ce sont les acheteurs – les marques de mode internationales – qui dictent les prix dans l’industrie. En principe, leurs prix d’achat devraient toujours permettre aux propriétaires d’usines de verser aux travailleur·euses un salaire décent. Pourtant, dans la plupart des cas, les prix payés par les marques suffisent à peine à payer les salaires minimums légaux dont les montants sont largement insuffisants dans des pays comme le Bangladesh.

Malgré les nombreux appels lancés par notre réseau international aux marques et enseignes internationales pour qu’elles soutiennent explicitement la revendication syndicale d’un salaire minimum de 23 000 BDT au moins et qu’elles garantissent à leurs fournisseurs que leurs propres prix augmenteraient à hauteur de l’augmentation du coût de la main-d’œuvre, toutes les marques, à l’exception d’une seule, ont refusé de le faire.*

De nombreuses marques qui s’approvisionnent au Bangladesh, dont H&M, Next, C&A, Uniqlo et M&S, se sont engagées depuis de nombreuses années à verser un salaire vital dans leurs filières. Pourtant, au moment le plus crucial où ces marques pourraient utiliser leur pouvoir d’influence indéniable pour s’assurer que leurs propres travailleur·euses ne vivent pas dans la pauvreté, elles n’ont pas agi, illustrant ainsi la vacuité de leurs engagements en faveur d’un salaire vital.

La Première ministre n’a pas encore mis en œuvre ce nouveau salaire minimum. Il appartient désormais à ces marques de joindre les actes à la parole et de veiller à ce que les travailleur·euses de leur filière d’approvisionnement gagnent au moins 23 000 BDT, ce qui n’est pas encore un salaire vital, mais le strict minimum nécessaire pour que les 4 millions de travailleur·euses puissent joindre les deux bouts.

Comme il y a cinq ans, les syndicats du Bangladesh ont vivement critiqué l’intégrité du processus de fixation des salaires. Les syndicats demandent une révision annuelle du salaire minimum, au lieu d’une révision tous les cinq ans. Les syndicats soulignent également que le représentant des travailleurs au sein du Conseil des salaires doit être choisi parmi le syndicat le plus représentatif. Lors de cette négociation salariale et de celles qui l’ont précédée, cette règle a été bafouée pour installer un « représentant des travailleur » favorable aux intérêts des employeurs et du gouvernement.

Enfin, les dirigeants syndicaux soulignent que leur proposition de 23 000 BDT a été établie sur la base de critères prescrits à la fois par le droit du travail du pays (Bangladesh Labour Act) et par les normes internationales du travail (la convention 131 de l’OIT sur la fixation des minima salariaux), alors que la proposition des employeurs ne l’a pas été.

* Patagonia a été la seule marque à soutenir explicitement la revendication syndicale de 23 000 Taka, mais elle ne s’est pas engagée à augmenter les prix qu’elle paierait à son fournisseur. D’autres marques ont vaguement soutenu les demandes d’augmentation des salaires, mais ont refusé de soutenir explicitement la demande syndicale de 23 000 BDT ou de s’engager à augmenter les prix.