Directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises : quels enjeux d’ici au vote par le Parlement ?

16 Mai 2023
Directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises : quels enjeux d’ici au vote par le Parlement ?

Le compromis voté en Commission JURI ce 25 avril 2023 constitue une première étape importante sur le devoir de vigilance des entreprises. Ce texte devrait être voté en plénière au Parlement européen début juin. Quels enjeux persistent dans cette trajectoire législative vers la fin de l’impunité des entreprises en matière de droits humains et de dommages environnementaux ?

En février 2022, la Commission européenne déposait une proposition de Directive sur le devoir de vigilances des entreprises en matière de durabilité. Depuis lors, pas moins d’une dizaine de commissions parlementaires différentes ont adopté leurs avis respectifs sur la proposition de la Commission. Le 25 avril dernier, c’était au tour de la commission des affaires juridique (JURI), qui détient le lead sur ce dossier, de présenter sa position sur ce dossier. Le compromis a été voté à une large majorité (19 pour, 3 abstentions et 3 contre) et marque une étape importante vers l’adoption d’une législation européenne contraignante en matière de droits humains et d’environnement pour les entreprises. Le texte adopté en commission JURI doit désormais être voté en séance plénière, prévue début juin. Une fois adopté par le Parlement, des négociations tripartites démarrerons entre le Conseil, la Commission et le Parlement. Celles-ci pourraient démarrer dès cet été. Retour sur les avancées obtenues et les défis qui persistent.

Un meilleur alignement avec les standards internationaux, oui mais…

Jusqu’ici, le Conseil de l’UE avait déjà adopté son orientation générale vis-à-vis de la proposition de la Commission. Les textes des deux institutions comportent cependant de nombreuses lacunes et s’éloignent des standards internationaux sur des points pourtant cruciaux tel que la responsabilité juridique des entreprises, l’étendue de leurs obligations ainsi que sur la levée des obstacles quant à l’accès à la justice pour les victimes des entreprises. A cet égard, le compromis adopté par la commission JURI comble une série de ces carences.
Selon le texte de JURI, les entreprises ont désormais des obligations de vigilance fondée sur les risques pour les droits humains et garantissent une meilleure prise en compte des parties prenantes dans la mise en œuvre du devoir de vigilance. Il est également prévu que les victimes des entreprises puissent accéder à la justice dans les États d’origine des entreprises donneuses d’ordre et y être représentées par des syndicats et ONG. L’accès à la justice est par ailleurs facilité par l’octroi possible d’aides financières. Ces améliorations tendent à rapprocher la législation européenne des standards internationaux et représentent, à ce titre, une réelle avancée. Toutefois, de nombreuses failles subsistent et devraient faire l’objet d’amendements lors du vote en séance plénière afin de garantir la conformité de la directive avec les standards internationaux.

L’accès à la justice pour les victimes des entreprises : un chemin toujours semé d’embûches.

Pour assurer l’accès à la justice pour les victimes des activités des entreprises, il est crucial de prévoir un renversement de la charge de la preuve, qui repose encore actuellement sur les frêles épaules des personnes affectées. Il leur revient dès lors de prouver que les entreprises avaient conscience, ou auraient dû avoir conscience, des risques que leurs activités entraînent pour les droits humains et l’environnement. Or, ces informations sont souvent détenues par les entreprises et jalousement conservées par ces dernières qui n’ont, à l’heure actuelle, aucune obligation de transparence quant aux mesures qu’elles mettent en place pour éviter la survenance de ces risques pour les droits humains.

Le poids des responsabilités sur les sous-traitants

En outre, la proposition de directive repose encore fortement sur les initiatives sectorielles, les engagements contractuels ainsi que sur les audits. Des instruments pourtant connus pour leurs inefficacités et qui tendent à faire peser le poids des risques pour les droits humains sur les sous-traitants, souvent moins à même de prévenir ces risques.

Finalement, les ambitions environnementales restent très faibles par rapport à la hauteur des enjeux actuels.

Le texte voté en Commission JURI devrait être voté en séance plénière le 1er juin. Les lacunes pourraient être comblées par des amendements. Ce vote marquera le début du trilogue entre les trois institutions et mener à l’adoption d’une directive avant la fin de la législature actuelle.

Il est encore temps d’interpeller vos euro-députés !