Accord menacé, travailleur·euse·s en danger

26 Nov 2018 | santé et sécurité
Accord menacé, travailleur·euse·s en danger

Cinq ans après l’effondrement du Rana Plaza, l’Accord Bangladesh sur la prévention incendie et la sécurité des bâtiments a considérablement amélioré la sécurité des usines de confection au Bangladesh. L’Accord sauve des vies ! Aujourd’hui menacé par une ordonnance restrictive de la Cour Suprême du Bangladesh selon laquelle il ne pourra plus opérer dans le pays après le 30 novembre.

Afin d’éviter ce scénario, l’Accord Bangladesh a dès lors interjeté appel et attend du gouvernement du Bangladesh qu’il soutienne publiquement son appel.

Des progrès importants menacés

Cinq ans après l’effondrement du Rana Plaza (provoquant la mort de 1138 travailleuses et travailleurs de la confection le 24 avril 2013), l’Accord Bangladesh sur la prévention incendie et la sécurité des bâtiments a considérablement amélioré la sécurité des usines de confection au Bangladesh. Lors des inspections initiales des usines en 2013, les ingénieurs de l’Accord ont par exemple constaté que 97% des 1600 usines inspectées ne disposaient d’aucune sortie de secours sécurisée et que 91% d’entre elles ne disposaient pas de système de détection d’incendie ou d’alarme adéquat. Cinq ans plus tard, grâce à l’Accord, 97% des portes verrouillables ou repliables ont été remplacées et au total, 74% des défauts des systèmes de sécurité incendie ont été corrigés.

Au total, 89% des plus de 130.000 défauts de sécurité identifiés par les inspecteurs de l’Accord ont été corrigés. Néanmoins, de graves problèmes persistent. Il existe encore environ 700 usines dépourvues d’installations adéquates de lutte anti-incendie et plus de 500 usines qui n’ont pas encore effectué les rénovations nécessaires de la structure de leurs bâtiments.

Les progrès réalisés en matière de sécurité par l’Accord Bangladesh sont gravement menacés par la fermeture du bureau de l’Accord à Dhaka le 30 novembre prochain. Cela compromettrait la capacité de l’Accord d’inspecter et de surveiller les usines au Bangladesh.

Le gouvernement du Bangladesh n’est pas prêt

Le risque pour un.e travailleur·euse de la confection au Bangladesh d’être tué.e dans l’incendie ou l’effondrement de son usine reste toujours bien réel. À côté des 1.600 usines qui ont fait l’objet d’inspections approfondies par l’Accord et de plans de mise en conformité réalisés à 90%, 809 autres usines sont couvertes par l’inspection nationale du travail avec un taux de correction annoncé de 27%, sans qu’il puisse toutefois être vérifié par manque de transparence. 930 autres usines identifiées ne sont couvertes par aucun système d’inspection.

L’ordonnance restrictive de la Cour Suprême stipule que l’Accord doit à terme cesser ces activités qui sont en réalité les prérogatives du gouvernement, et doivent donc être assumées par lui, et lui seul.

Aujourd’hui, il est évident que l’inspection sociale du travail ne dispose pas encore de la capacité technique, ni des ressources nécessaires pour effectuer des inspections et assurer la sécurité de l’ensemble des travailleurs.euse·s du Bangladesh. Elle peine déjà à inspecter et mettre en conformités les 809 usines qui relèvent de sa responsabilité. Or à partir du 1er décembre, si l’Accord ne peut plus opérer au Bangladesh, elle devra couvrir l’ensemble des usines au Bangladesh, soit deux fois plus d’usines que l’Accord… avec trois fois moins d’inspecteurs.

Plus grave, la volonté politique de mettre tout en ouvre pour assurer une inspection du travail crédible, efficace et transparente fait défaut au sein même du gouvernement du Bangladesh.

L’expulsion de l’Accord aura un impact commercial important

S’il est expulsé du Bangladesh, l’Accord Bangladesh continuera à mener ses opérations à partir de son siège d’Amsterdam. Les marques et enseignes d’habillement qui ont adhéré à l’Accord seront toujours juridiquement liées au contrat qu’elles ont signé avec les fédérations syndicales mondiales pour toute la durée de l’Accord, soit jusqu’en mai 2021. Les termes de l’Accord stipulent en effet que les enseignes ne peuvent se retirer du contrat que si elles ont rempli toutes leurs obligations.

Il sera toutefois plus difficile d’inspecter et de surveiller les usines sans le bureau au Bangladesh, puisqu’il faudra commanditer des inspecteurs venus de l’étranger. L’Accord ne sera dès lors plus en mesure d’inspecter les usines aussi régulièrement et aussi minutieusement qu’auparavant. Sa capacité de réaction sera aussi plus longue et moins efficace.

Face à ces difficultés, l’inspecteur en Chef de l’Accord a communiqué aux enseignes signataires que dans ces conditions, il n’avait pas d’autre choix que celui d’être très strict sur les avertissements adressés aux usines qui accusent des retards importants dans les travaux de mise en conformité. Cette procédure aboutit à l’interdiction pour les marques signataires de se fournir encore dans une de ces usines. Cela signifie qu’à partir du 1er décembre, 139 usines ne pourront plus fournir les enseignes signataires de l’Accord. Au 1er janvier, elles seront au total 532 dans cette situation.

Le gouvernement du Bangladesh doit soutenir l’Appel de l’Accord

Il est essentiel que l’Accord puisse poursuivre ses activités au Bangladesh afin de pérenniser les améliorations en matière de sécurité réalisées au cours des cinq dernières années et d’accompagner la transition vers une inspection nationale du travail crédible et efficace.

Pour y arriver, l’Accord a interjeté appel contre l’ordonnance restrictive de la Cour Suprême. Il reste quelque jour au gouvernement du Bangladesh pour soutenir publiquement cet appel et ainsi démontrer sa volonté d’effectivement assurer la sécurité des femmes set des hommes qui fabriquent des vêtements sur son territoire.

Face à l’inaction du gouvernement du Bangladesh, et face à l’urgence de la situation, achACT et ses organisations membres Test-achats, Oxfam-Magasins du monde, FGTB, CSC, CNE, FGTB-Centrale générale, SETCa, Solidarité Mondiale et CSC METEA, ont contacté le gouvernement belge et des enseignes signataires :

Le gouvernement belge a à plusieurs occasions souligné son soutien à l’Accord Bangladesh et salué son impact très positif, notamment lors de la Conférence international du travail. Dans un courrier envoyé le 25 octobre 2018, achACT et les organisations précitées demandent au gouvernement belge d’appeler publiquement le gouvernement du Bangladesh à autoriser les activités de l’Accord et à soutenir l’appel interjeté par l’Accord. La Belgique peut à ce propos remettre en cause le régime douanier préférentiel dont jouit le Bangladesh pour ses exportations de vêtements vers l’UE et la Belgique. En effet, ces avantages sont condition-nés au respect des droits humains et des droits des travailleurs. Le Parlement européen vient d’adopter une résolution en ce sens.

Ni le Ministre Peeters, ni le Ministre Reynders n’ont répondu

Les enseignes disposent d’un grand pouvoir au Bangladesh. Environ 80% des revenus d’exportation du pays proviennent de l’industrie de l’habillement. Parmi les membres de l’Accord figurent les plus grandes enseignes d’habillement au monde – et plus gros acheteurs du Bangladesh – comme H&M, Zara, Carrefour, C&A, Lidl et Aldi. Si ces enseignes font savoir à leurs fournisseurs et au gouvernement du Bangladesh qu’elles ne peuvent s’approvisionner que dans des usines sûres et que, pour le moment, l’Accord est la seule institution en mesure de garantir de manière crédible cette sécurité, leurs voix auront un impact certain.

achACT appelle donc ces enseignes à subordonner leurs commandes aux usines du Bangladesh au maintien de l’Accord au Bangladesh.

UPDATE 29/11/2018 : La Cour Suprême décidera le 6 décembre de l’avenir de l’Accord.

UPDATE 10/12/2018 : La Cour Suprême décidera le 17 décembre de l’avenir de l’Accord.

UPDATE 17/12/2018 : La Cour Suprême décidera le 21 janvier 2019 de l’avenir de l’Accord.

UPDATE 21/01/2019 : La Cour Suprême décidera le 18 février 2019 de l’avenir de l’Accord.

UPDATE 15/04/2019 : La Cour Suprême décidera le 19 mai 2019 de l’avenir de l’Accord.