Apple : des conditions de travail scandaleuses
L’enquête publiée par le New York Time confirme les conclusions des recherches menées depuis plusieurs années par la SACOM, un partenaire d’achACT basé à Hong Kong. La SACOM dénonce les conditions de travail scandaleuses dans la filière d’approvisionnement d’Apple en Chine.
Travail forcé
Afin de stabiliser la capacité de production et donc la main-d’œuvre et d’honorer les commandes durant les pics de production, Foxconn emploie des dizaines de milliers d’étudiants avec le soutien des gouvernements locaux.
Des étudiants en tourisme, en langues ou journalisme deviennent ainsi des « stagiaires » chez Foxconn durant 3 à 12 mois. Selon les rapports publiés dans le China Daily , le gouvernement du Henan a fourni 100.000 étudiants stagiaires à Foxconn en 2010 et prévoit d’en recruter autant en 2012. Ces stages n’ont rien à voir avec les études de ces étudiants. De plus, ils ne sont pas facultatifs. Certains étudiants dénoncent ces stages chez Foxconn car s’ils les refusent, ils seront forcés de quitter l’école . Ce système de stage constitue donc bien une forme de travail forcé, contraire aux conventions internationales de l’OIT et au code de conduite d’Apple. Pourtant, Apple ne reconnaît pas le problème et ne fait donc rien pour le résoudre.
Environnement de travail dangereux
En 2009, 137 travailleurs de Wintek, un fournisseur d'Apple, ont été empoisonnés au N-hexane, un solvant utilisé pour nettoyer les écrans tactiles des iPhones. Ce solvant s’attaque au système nerveux central et cause des lésions neurologiques. Certaines des victimes ont été hospitalisées pendant plus de 9 mois. À leur sortie des hôpitaux, elles souffraient toujours. Début 2011, Apple a reconnu le problème mais continue d’ignorer les demandes des victimes.
Des entretiens menés par la SACOM auprès de travailleurs d’autres fournisseurs d’Apple ont par ailleurs montré que ces travailleurs ne connaissent pas les produits chimiques qu’ils utilisent. Certains se sont plaints d’allergies de la peau ou de maux de tête dus selon eux aux produits chimiques. Cela montre que le problème de la protection de la santé des travailleurs face aux produits chimiques est un problème systémique. Si le cas des travailleurs de Wintek l’a mis en évidence, ce n’est malheureusement pas le seul.
À côté des maladies professionnelles, les accidents de travail chez les fournisseurs d’Apple sont également interpellants. En mai 2011, une explosion due à des poussières d’aluminium tue 4 travailleurs et en blesse 18 dans le département de polissage de l’usine Foxconn de Chengdu. La direction de l’usine a directement réagi en affirmant que l’usine était conforme aux normes de sécurité pour ensuite décider d’augmenter la sécurité notamment en améliorant la ventilation. Apple, dans son rapport social, explique que suite à l’explosion, l’entreprise a contacté « les meilleurs experts en sécurité au travail » et a constitué une équipe en charge de développer des recommandations afin d’éviter tout nouvel accident.
Sept mois plus tard, une nouvelle explosion due à la poussière d’aluminium blessait 59 travailleurs de l’usine Riteng de Shanghai. Dans son rapport, Apple explique que les deux explosions ont des causes différentes, mais ne fournit aucun détail. Apple ajoute avoir audité tous ses fournisseurs en charge du polissage des produits en aluminium. Tous ses fournisseurs ont mis en place de nouvelles mesures, excepté un, où a eu lieu l’explosion…
Discipline militaire
Une banderole accueille les 120.000 travailleurs de l’usine Foxconn à Chengdu : « Travailler dur à son job aujourd’hui, ou travailler dur à trouver un nouveau job demain ! ». Les travailleurs de cette nouvelle usine sont prévenus. Ils ont d’ailleurs été forcés de subir « un entraînement militaire » qui selon eux les endoctrine dans un système d'obéissance absolue. Des travailleurs ont par exemple du rester plusieurs heures debout sous un soleil de plomb. Lorsque certains ont demandé s'ils pouvaient aller acheter de l'eau, le superviseur leur a répondu qu'ils pouvaient quitter l'entreprise immédiatement s'ils ne pouvaient pas endurer ce petit désagrément.
En 2010, 18 travailleurs de Foxconn ont tenté de se suicider. 14 sont morts. Les enquêtes menées suite à ces tentatives de suicide pointent les causes de cette vague de suicide. Beaucoup de travailleurs de Foxconn partagent l’impression de devenir des machines. Ils rapportent être continuellement insultés, devoir parfois écrire des « lettres de confession » ou recopier des citations du Président de Foxconn.
Suite à la vague de suicides dans l'usine de Shenzhen, Foxconn a mis en place un service d'assistance téléphonique gratuit pour les travailleurs. En 2006, un consultant de Business for Social Responsibility avait proposé la mise en place d’un système d’assistance aux travailleurs. Il témoigne : « Nous aurions pu sauver des vies si Apple avait poussé Foxconn, mais il ne voulait pas. » « Apple ne cherche pas à anticiper les problèmes, il veut simplement éviter les embarras. »
Heures supplémentaires excessives et obligatoires
Durant la saison haute, les travailleurs de Foxconn sont à leur poste jusqu’à 12 heures par jour, 6 jours par semaine. Les travailleurs sont parfois contraints de sauter la pause repas ou de prester du temps supplémentaire afin d'atteindre les objectifs de production. Ce temps n’est souvent pas comptabilisé. Des travailleurs expliquent que ces heures supplémentaires sont obligatoires. Si un travailleur ne preste pas ces heures supplémentaires sans autorisation du superviseur, il est considéré comme en arrêt de travail. En représailles, aucune heure supplémentaire ne lui sera assignée pendant un mois. Cela signifie que le travailleur ne gagnera que le salaire de base, largement insuffisant pour couvrir ses besoins fondamentaux.
La législation chinoise du travail limite le nombre d'heures supplémentaires mensuel à 36 heures. Lors d’importantes commandes, le nombre d’heures supplémentaires peut atteindre la centaine par mois, soit près de 3 fois le maximum légal. La majorité des travailleurs doivent se tenir debout. Certains témoignent d’une telle fatigue qu’ils n’ont plus l’énergie de parler ni socialiser.